Legends never die [Dazai Osamu]

Comme quoi. Ce dieu pourri serait toxique jusqu’au bout. Alors qu’il était si déprimé, si au fond du seau en arrivant dans ces nouveaux mondes, il allait maintenant mieux. Et au fond du seau ; pourquoi ? Parce que l’habitude de sa position de souverain, parce que son égo, parce que sa puissance lui manquaient. Mais à côté de ça, il n’avait rien à perdre non plus, sinon une armée d’incapables plus arrogants que lui et une femme qui ne l’aimait plus. Mais ne l’aimait-elle vraiment plus ? Ils avaient une telle influence l’un sur l’autre, même au-delà de l’habitude et de la lassitude de milliers d’années de vie conjugale désastreuse, qu’il n’arriverait jamais à tourner la page de Hera et, sans doute, inversement. Lui n’avait même pas l’envie de la tourner, cette page, car il était amoureux – malgré tout le mal qu’il faisait à leur mariage – et surtout jaloux. Jamais il ne supporterait l’idée qu’elle se passe de lui.
Alors, lorsqu’elle l’avait enfin rejeté, il n’avait su accepter de se laisser envoyer péter de la sorte. Il avait secoué ses plumes déprimées et s’était trouvé une nouvelle distraction : reconquérir sa femme. Ou plutôt, parce que même s’il refusait de l’admettre cette tentative serait à tout jamais vouée à l’échec, devenir tellement présent, partout, dans tous les mondes, aux yeux de tout le monde, que Hera n’aurait d’autre choix que de s’intéresser à lui, d’une manière ou d’une autre.
Il s’était enfin rangé, officiellement, était devenu respectable, tout ça pour les apparences. Il aimait enfin les mortels d’une manière appropriée, malgré la frustration que cette décision entrainait, ne matait ostensiblement plus tous les petits culs qui passaient sous son nez… d’aucun pouvait presque croire qu’il faisait de vrais efforts. Il en faudrait plus pour convaincre Hera, mais en attendant, cette attitude serait assez pour attirer son attention – et l’exaspérer au plus haut point. Bad buzz is still buzz, et Zeus avait déjà si mauvaise réputation qu’un peu plus, un peu moins… Mais les mortels avaient la mémoire courte et un nom d’emprunt plus loin, quelques sourires et une main tendue plus tard, il n’y avait plus que sa femme pour le détester encore. Il manigançait dans l’ombre, mais pour l’instant, personne n’avait découvert ses nombreuses filouteries.

Ce jour-là, il avait chassé son mauvais temps d’un geste de la main pour palier la morosité des mortels qui bouffaient de la flotte en continu depuis une semaine. Et les mortels, tous à leur simplicité, étaient heureux. Pour la plupart : il existait ceux pour lesquels il ne pouvait rien ni ne tenterait quoique ce soit, parce qu’il n’avait pas besoin d’autant d’efforts qu’il n’avait pas envie de fournir pour redorer son blason. D’autant plus qu’il ne se présentait que très peu comme Zeus, seuls ses rares collaborateurs savaient qu’il était réellement, alors il n’avait pas de blason à redorer, sinon auprès de sa femme qui le haïssait.
Puisqu’il en avait assez fait pour ces blaireaux de mortels pour la journée, il voulut se poser sur un toit, seul avec sa bouteille et le néant qui le rongeait progressivement malgré tout. Il n’aurait pas cette chance : il ne vit que trop tard que le toit qu’il entendait squatter n’était pas désert et atterrit lourdement, les ailes pendantes, juste à côté du mortel qui regardait le vide depuis le bord du toit… Les mortels et leurs crises existentielles. Il s’en passerait, voyez-vous. Ce gamin était exactement le genre de mortel que Zeus s’arrangeait pour ne pas croiser, parce qu’il avait la flemme intersidérale de jouer au dieu aimant trop longtemps.

« Si tu pouvais ne même pas essayer, tu m’épargnerais une fin de journée plus foireuse que son commencement. Tu sautes, je saute – c’est presque romantique, on dirait Titanic – je te sauve la vie tel Jack Dawson. » Zeus tendit sa bouteille au gamin qui ne devait pas avoir vingt ans.  « Allez, bois un coup, assieds-toi, raconte-moi tes malheurs pour en arriver en haut de cet immeuble. »

@Dazai Osamu