ex machina (Natasha & Clarke)

@Clarke Griffin

Natasha n'aimait pas la mer. Pour une infinité de raisons, notamment parce que l'homme qui lui avait brisé de crâne avait tenté d'y noyer son amant. Cette explication suffisait à ses yeux.
Elle n'en avait pas peur pour autant, mais à choisir entre quelque paysage inhospitalier où passer ses vacances, elle préférait la Sibérie en plein hiver. Aussi ne montait-elle jamais par plaisir sur un bateau, mais parce qu'elle avait besoin d'aller visiter quelqu'un en mer, elle était montée sur ce fichu bateau. Les eaux internationales avaient l'avantage de n'être sous la surveillance de personne et pour ses magouilles personnelles, il fallait reconnaître leur attrait.
Et puis, que pouvait-il se passer de mal? La traversée ne devait pas être longue à mourir d'ennui. Elle regardait l'eau qui se fendait sous l'allure du bateau quand l'orage, puis la tempête, se levèrent d'un coup, comme si les dieux s'en étaient mêlé.

La tête sous l'eau, elle pensa que les tempêtes étaient une raison supplémentaire de détester la mer, puis une vague l'envoya valser sur une plage de sable grossier. Elle soupira. Entre le sel de l'eau et les grains blancs du sable, ses vêtements la démangeraient jusqu'à ce qu'elle se lave et qu'elle en change. Quelle plaie.
Au moins, elle était saine et sauve. Elle regarda autour d'elle ; la Russie lui manquait. Les cocotiers et les vacances sous les tropiques étaient davantage au gout de Stark. Certes, il n'aurait jamais foutu un pied sur une île en apparence déserte et encore moins de cette façon. Allez. Natasha aimait la survie et la solitude, que demander de plus ? Peut-être une île qui ne lui donnait pas l'impression d'être observée.
Immobile, allongée sur le dos, elle observait la jungle en cherchant du regard de quoi confirmer son impression. En vain. Soit. Elle ne s'en déferait pas aussi facilement, mais on ne l'avait pas accueillie à la mitraillette, la situation aurait pu être pire.

Le sable avait raillé son arme de poing mais elle était plus armée que ça. Elle acheva de saboter le pistolet et l'abandonna sur la plage. Au moins ne serait-il pas utilisé contre elle.
Natasha ne pouvait pas rester là. Il lui fallait foutre les pieds dans cette jungle dense pour trouver de l'eau, une hauteur d'où observer le large. Elle avait du pain sur la planche et le jour était déjà largement entamé.
Elle se tailla un chemin entre les arbres et les buissons jusqu'à entendre des voix proches d'elle. La végétation était si épaisse qu'elle eut du mal à s'approcher sans un bruit, jusqu'à pouvoir regarder, de l'autre côté d'un large tronc, un homme de dos au discours robotique en costard (au milieu de la jungle, logique) et une jeune femme, visiblement naufragée elle aussi. Natasha ne l'avait jamais vue.
L'espionne tira un petit couteau de sa ceinture, se décala d'un demi pas de côté et jeta d'un geste sec et précis son arme dans la nuque du pingouin en costard. Il s'effondra sur le sol et Natasha sortit de derrière son arbre.

"Désolée chéri, c'était pas très contondant. Tu vas bien? ", demanda-t-elle alors à la jeune femme égarée.

@Clarke Griffin

Dans une situation comme celle-ci, si quelque chose ne lui manquait pas, c’était une partenaire. Avec un James ou un Clint, elle aurait pu faire de ce naufrage une enquête imposée, certes, mais au moins sympa. Une rando foireuse pour trouver qui voulait les tuer : ils avaient connu pire et plus compliqué, mais ça n’était viable que parce qu’elle les connaissait par cœur, l’un et l’autre, qu’ils n’avaient plus besoin de se regarder de travers des heures durant pour savoir s’ils pouvaient se faire confiance ou s’il valait mieux s’entretuer sans attendre.
Rencontrer quelqu’un de nouveau, dans une jungle hostile et observée par un ennemi qui ne se montrait que peu, sans cacher pour autant ses intentions meurtrières. Ne manquait plus qu’un t-rex et bienvenue à Jurassic Parc. C’était, cela-dit, une réelle possibilité ; qu’une organisation de scientifiques complétement ravagés élève des dinosaures sur une ile déserte. Et elles étaient pas sorties des ronces.
Alors pourquoi diable s’était-elle jetée dans les ronces avec… Clarke. Elle avait au moins un prénom sympa et ne semblait pas mal intentionnée. Sans s’empêcher de revenir plus tard sur ce jugement, Natasha convint de ne pas prendre le large seule. L’expression était on ne pouvait plus inadaptée, mais vous avez l’idée. Elle n’abandonnerait pas Clarke seule dans cette forêt pour faire sa vie de son côté. Certes, la blonde n’avait pas l’air d’en savoir plus qu’elle sur l’île où elles s’étaient échouées, mais puisqu’elles ignoraient ce qui les attendait plus loin dans la jungle, l’espionne préférait se faire une amie, même de façade, qu’une ennemie qui elle n’oublierait pas la rancœur de l’abandon. Aussi, Natasha n’aimait pas les mecs trop puissants en costard qui se sentaient le pouvoir de vie ou de mort sur des civils désarmés. Enfin… désarmée, oui, Clarke l’était, mais civile ? C’était une autre question.

« Natasha », répondit-elle sans se perdre en fioritures inutiles.

Elle s’avança et récupéra son couteau sur leur hôte mort. Ou inactivé : son ton si robotique et détaché était celui d’un grand malade, ou d’un robot.

« Je n’en sais pas plus que toi, pour l’instant. Vu notre dégaine à toutes les deux, on est arrivées ici grâce à la même tempête peu naturelle de ce matin. Et je sais pas toi, mais j’ai pas l’ambition de me laisser fracasser le crâne par une bande de vieux fous. »

Oui, elle l’observait comme un styliste observe son mannequin pour savoir ce qu’il conviendrait de lui faire porter. Qui était cette fille, vraiment ? Elle s’était aventurée dans la jungle quand quelqu’un d’incompétent aurait préféré attendre des secours sur la plage en pleurnichant, mais elle n’avait pas eu le réflexe de se défendre face à un danger aussi explicite qu’une menace de mort. Intéressant, pas totalement un poids mort.

« Il a parlé d’un complexe. ‘Doit y en avoir d’autres comme lui, dans le coin. De la vie, des bâtiments – même souterrains – des caméras, des micros. Tout ce qu’on aime. Comment crois-tu qu’il savait où tu étais ? »

Il était plus improbable, en revanche, qu’ils aient remarqué Clarke sans voir Natasha. Elle avait beau avoir le pas léger, l’art et la manière de se déplacer sans qu’on la remarque, mais elle n’était pas complétement immatérielle. Des caméras auraient dû la voir aussi, ou peut-être s’attendaient-ils à ce que la chose – ou l’homme – censé régler le compte de la blonde se charge d’elle aussi ? Elle aimait l’idée, qu’ils ne sachent pas à quel point elle pouvait être dangereuse, mais elle préférait ne pas se faire d’illusion non plus. Elle était peut-être juste plus bienvenue que sa partenaire de fortune, ce qui serait autant une bonne qu’une mauvaise chose. Mais les possibilités étaient infinies et elle ne pouvait ni en choisir ni en exclure.

« Viens, on ne va pas rester ici les bras croisés jusqu’à ce qu’on nous tire comme des lapins. On a besoin de plus, on ne sait rien. Tu sais grimper ? »

De toute façon, la jungle était si dense que les branches des arbres ressemblaient davantage à des marches qu’à de véritables branches. Claarke saurait monter. Sans attendre sa réponse, Natasha entreprit d’escalader l’arbre qui semblait monter le plus haut, pour s’offrir un meilleur point de vue.